« Beaucoup de grandes entreprises investissent dans les technologies quantiques »
Dominique Sugny, professeur de physique à l’ICB, présente les apports des technologies quantiques aux milieux socio-économiques.
En quoi consiste le contrôle quantique ?
Il existe des objets quantiques, qui sont des objets microscopiques, comme des atomes ou des molécules. Ils possèdent des propriétés quantiques spécifiques qui ne sont pas décrites par la mécanique classique. Notre objectif est de les manipuler, d’agir sur leur dynamique et sur leur mouvement en utilisant des champs électriques, magnétiques ou des lasers… Le contrôle quantique est l’analogue du contrôle que l’on pourrait appeler « classique », et qui consiste à manipuler des objets macroscopiques. Par exemple, lorsque l’on conduit une voiture, on réalise un contrôle classique à l’aide des pédales d’accélération et de frein. Une partie de notre travail est d’essayer d’adapter aux spécificités du contrôle quantique tout ce qui a été fait en contrôle classique et d’observer les particularités et les avantages du contrôle quantique. En particulier, nous avons adapté et développé les techniques de contrôle optimal qui permettent de déterminer les champs réalisant le contrôle tout en optimisant un coût donné.
Dans quels domaines pourra-t-il être employé et pour quelles utilisations concrètes ?
Une grande utilisation actuelle du contrôle quantique réside dans l’information quantique, qui se décline en deux grandes applications qui sont l’ordinateur quantique et la cryptographie quantique. Par l’information quantique, on espère améliorer très nettement les capacités des ordinateurs classiques. Du côté de la cryptographie, c’est-à-dire des protocoles permettant la sécurité et la protection des données, il est possible d’améliorer très nettement les clés qui permettent de coder les messages à l’aide du contrôle quantique.
Personnellement, je travaille plus particulièrement sur tout ce qui concerne l’imagerie médicale, c’est-à-dire la résonance magnétique nucléaire et l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Dans ce domaine, on peut espérer améliorer la qualité et les caractéristiques des images en utilisant le contrôle quantique. Le contrôle utilisé actuellement n’est pas du tout optimal et ne permet pas d’atteindre les limites des appareils d’imagerie. On peut donc, en contrôlant de manière efficace ces dynamiques, améliorer très nettement la qualité et la sensibilité des images. Ces progrès concerneront à la fois le patient, puisqu’on peut limiter le temps passé dans un scanner-IRM, et le médecin, puisqu’ils faciliteront le diagnostic médical. Je pense que c’est dans ce domaine que les entreprises bourguignonnes trouveront le plus d’intérêt.
Dans quel délai pourra-t-on utiliser le contrôle quantique dans les entreprises ?
Je pense que c’est dans le domaine de l’imagerie médicale que nous sommes le plus avancé. On peut s’attendre à ce que ces technologies, notamment l’amélioration de la qualité des images, intègrent les entreprises d’ici 5 à 10 ans. Concernant l’ordinateur quantique, beaucoup d’argent est investi dans la recherche. De la même façon, les premières réponses devraient arriver à l’horizon de 5 à 10 ans.
De manière générale, il est difficile de donner une réponse précise puisque les industriels ont des contraintes de fabrication, de rendement et de robustesse. Les entreprises veulent pouvoir produire à très grande échelle et souhaitent donc que les effets soient très solides et puissent être produits de manière systématique. Le passage du laboratoire à l’industrie n’est pas forcément très facile. Au niveau du laboratoire, nous avons un seul système que l’on a pu régler pendant des mois, parfois même des années. Les industriels, eux, souhaitent quelque chose qui puisse être produit le plus rapidement possible au plus bas coût. Je travaille beaucoup avec des chercheurs allemands de l’Université Technique de Munich et l’un de nos objectifs est, d’ici 3 à 5 ans, d’avoir des contacts avec des industriels pour pouvoir répondre à leurs demandes et ajuster nos recherches en fonction de leurs besoins.